EXPOSITION. Le Pavillon Populaire à Montpellier poursuit sa saison américaine en proposant la découverte du photographe William Gedney à travers la rétrospective Only the Lonely, 1955-1984. Nom emprunté à la chanson du crooner rockabilly Roy Orbison que l’on peut entendre en contemplant les 208 photos présentées. Et c’est sans aucun doute l’une des expositions de l »été. À voir jusqu’au 17 septembre.
Une nouvelle fois le Pavillon Populaire affiche de grandes ambitions dans son rôle de défricheur culturel. Si le nom de William Gedney ne claque pas comme une Annie Leibovitz par exemple (dont on peut admirer le travail dans l’exposition The early years, 1970–1983 à la Grande Halle d’Arles jusqu’au 24 septembre), que le public ne détourne pas son pas. Et encore moins son regard.
Honneur rendu à Gilles Mora
Le directeur du Pavillon Populaire a une nouvelle fois fait des merveilles : « En 2000, je ne connaissais pas William Gedney. C’est le photographe Lee Friedlander qui me l’a fait découvrir. Quand je suis allé aux archives Gedney, j’ai été ébloui par son travail ». Oeuvrant alors sur un projet de livre pour le Seuil qui ne s’est jamais fait, Gilles Mora garde en tête l’idée d’exposer un jour William Gedney.

Aujourd’hui, ce voeu s’accomplit et de fort belle manière. Cette première rétrospective « ne présente pas les plus belles photos de William Gedney mais une évolution de son travail » explique Gilles Mora qui raconte avoir « construit l’exposition autour de la sensualité de Gedney ». Margaret Sartor, spécialiste du photographe américain, ne tarit d’ailleurs pas d’éloge : « Avec la scénographie de Gilles Mora, j’ai vu le travail de Gedney sous un autre jour. La forme du contenu c’est ce qui est important dans une exposition ».
Grandes thématiques
De manière chronologique et marquée par un code couleur mural, l’exposition présente les grandes thématiques abordées par William Gedney. L’Amérique aussi bien rurale qu’urbaine, mais également l’Inde ou l’Irlande. Des plans posés comme des décors de cinéma aux portraits particulièrement profonds, un sentiment se dégage que décrit Gilles Mora : « On dirait qu’il y a un danse de la vie dans les photographies. Des photographes américains des années 40-60, c’est le seul à avoir un regard européen et à s’être consacré à autre chose que le territoire américain ».
Un « outsider »
Né en 1932, William Gedney est présenté comme le photographe le plus mystérieux et le moins connu de la génération américaine parvenue à maturité dans les années 1960 à 1980. Photographe autodidacte, graphiste pour gagner un peu d’argent, il passe la plupart de sa vie à Brooklyn où il débute son art sans oublier de parcourir les routes comme en témoigne son travail.
Désintéressé par la promotion de son oeuvre, William Gedney traverse son époque dans un quasi anonymat. Margaret Sartor le décrit comme un « outsider » : « C’est quelqu’un qui voyait la réalité des autres communautés ». Un observateur, en retrait, de son époque qui considérait la photographie comme un moyen d’expression et un témoignage quelque part entre une démarche documentaire et immersive.

Travaillant pour financer ses envies photographiques, William Gedney mènera un projet qui ne verra malheureusement jamais le jour. En 1965, il souhaite rendre hommage aux grands compositeurs musiciens américains de son temps. Il écrit à une cinquantaine d’entre eux et se rend à leur domicile ou studio d’enregistrement pour réaliser leur portrait. Il crée ensuite une maquette de livre. En 1968, la maison d’édition Crowell, Collier and Macmillan se montre intéressée mais l’auteur ne rend jamais les textes. Le projet est alors abandonné. William Gedney ne l’apprendra qu’en 1975. Le Pavillon Populaire présente la maquette du livre avec les sublimes portraits parmi lesquels Leonard Bernstein, John Cage ou Aaron Coplan.
Double solitude
Gilles Mora raconte un autre pan de la vie de William Gedney : « C’était un artiste conscient de ce qu’il faisait. Il a construit son oeuvre dans une double solitude. Celle d’un artiste et aussi d’un homosexuel. Il considérait que son homosexualité était de l’ordre de l’intime et du privé pour ne pas être catalogué photographe homosexuel ». Son homosexualité, il ne la révèlera qu’à sa mort en 1989. Parmi les premières victimes du SIDA, il laisse une oeuvre majeure dont l’influence commence à se faire sentir. Ses amis proches Lee et Maria Friedlander ont réuni ses archives complètes à l’Université de Duke en Caroline du Nord. Soit plus de 5 000 documents consultables gratuitement en haute définition.
Par cette rétrospective Gilles Mora souhaitait « donner une jeunesse à Gedney car il pensait que la jeunesse était tout ». Mieux qu’une jeunesse, le directeur du Pavillon Populaire a offert une seconde vie à l’un des photographes américains dont l’oeuvre mérite d’être connue et, donc, enfin reconnue.
>> Pratique : Pavillon Populaire, esplanade Charles de Gaulle à Montpellier. Entrée gratuite. Du mardi au dimanche de 11h à 13h et de 14h à 19h. Jusqu’au 17 septembre.