Philippe Saurel, Annie Yague, déléguée aux affaires sociales et vie-présidente du CCAS, et M’hamed Belhandouz, directeur général du CCAS, ont présenté cinq projets ayant pour objectif d’amorcer une nouvelle politique sociale de la ville. Ces expérimentations, menées à faible échelle mais qui pourraient par la suite être étendues, entendent apporter des réponses aux urgences d’aujourd’hui et aux enjeux de demain parmi lesquels la précarité énergétique, la fracture numérique, l’insertion professionnelle, le soutien intergénérationnel et le soin des victimes de violences conjugales.
Annie Yague résume l’esprit de ces projets à destination des personnes accompagnées par le CCAS de Montpellier : « Ce que l’on essaye de mettre en place ce sont des outils. Mais que les personnes restent acteurs de leur vie. Pour cela, il faut les mettre en situation de pouvoir le faire (…) Notre but est d’instaurer des fondamentaux permettant l’indépendance de sa vie ». La déléguée aux affaires sociales n’a pas été tendre avec la précédente municipalité : « L’action sociale sur la ville de Montpellier était désuète, sclérosée par une activité surtout gestionnaire de la précarité. Il n’y avait pas d’ambition propre, de stratégie d’ensemble pour remédier aux facteurs d’exclusion. Nous étions dans une logique de panser et pas de soigner ». Annie Yague souhaite ainsi par ces cinq projets « introduire la créativité, le dynamisme, dépoussiérer l’action sociale et avant tout mettre l’humain au centre de nos actions. Il était donc urgent de rassembler l’ensemble des forces disponibles ».
Analyse et diagnostics
Cette nouvelle politique sociale se dessine après plusieurs analyses et diagnostics des besoins sociaux à Montpellier. Sans oublier la nécessité de coordonner autour d’une logique commune la mutualisation des services de la Ville et de la Métropole mais également l’ajout des compétences, dont deux liés à la politique sociale (Fonds d’aide aux jeunes et Fonds de solidarité pour le logement), récupérées au Département. « La première étape a été de combiner de façon la plus opérationnelle possible les dispositifs entre le CCAS, la Ville et la Métropole. Depuis plus d’un an, nous avons fait un Lab Social qui travaille à ces projets et regroupe l’ensemble des directions pour, lorsqu’un projet émerge, faire cohabiter les services de la culture, du sport, de l’enfance… », explique M’hamed Belhandouz, « Nous avons essayé d’être très pragmatique en lançant des projets qui ne nécessitent pas des politiques financières importantes (…) On a besoin de tester, d’expérimenter, d’innover et de vérifier que les objectifs de ces dispositifs ont été atteints ».
Pas de grosses dépenses à prévoir donc pour mener à bien cette nouvelle politique. « Le budget consacré à l’action sociale est de 50 M€ sur la ville de Montpellier. 25 % du personnel mairie / CCAS est consacré à l’action sociale. Donc, à budget constant, nous pouvons faire des choses formidables », Annie Yague n’excluant pas de faire appel à des aides de l’Europe ou des partenaires institutionnels. À part le centre d’accueil Bouissonnade II qui doit encore sortir de terre, les autres projets seront effectifs dans le courant de l’année.
Les cinq projets du CCAS
Un service pour la maîtrise de l’énergie
Le SLIME (Service Local d’Insertion en faveur de la Maîtrise de l’Énergie) est une plate-forme destinée à mettre en relation les usagers en situation de précarité énergétique et les intervenants spécialisés. Un travail de repérage des publics en fonction de leur situation enclenchera des visites à l’issue desquelles un diagnostic technique, social et budgétaire sera effectué par une des deux travailleuses sociales spécialement formées. Ces dernières seront chargées d’établir un plan d’action avec les personnes. « Cela permettra surtout pour nous de lier ce diagnostic avec un accompagnement social. Il est important de travailler sur cet axe énergétique afin de déceler d’autres éventuelles problématiques » explique M’hamed Belhandouz.
790 foyers seront ainsi visités d’ici trois ans. Installations d’équipements économes, démarche éducative écocitoyenne, médiation locative, orientation des locataires et des propriétaires vers les différents aides et dispositifs pour la rénovation… plusieurs niveaux de réponse seront apportées pour lutter contre la précarité énergétique.
Vill’âges pour lutter contre la fracture numérique
« C’est un outil qui deviendra indispensable » annonce Annie Yague « Le but est de faire un village où l’outil numérique symbolisera tout ce qu’on y trouve habituellement : une école pour l’initiation ou la formation, une mairie pour l’accès aux droits, un café pour échanger et où il y aura des conférences, un centre de loisirs avec l’utilisation de serious game pour les séniors… ». Le site de l’ancienne crèche Sophie Lagrèze sera réaménagé pour accueillir le Vill’âges sur 1 000 m2. Un tiers-lieu numérique, ouvert à tous, destiné à réduire la fracture numérique et à favoriser les échanges.
Un espace sera consacré à des entreprises invitées. « Elles proposeront leurs inventions qui peuvent servir dans le champ du social et de la vie courante. Elle présenteront des objets connectées et les feront tester. Et pourquoi pas repérer des personnes qui peuvent être intéressées par des stages » complète Annie Yague.
Unis’Vers, des ateliers d’insertion
Un nouveau dispositif d’insertion de proximité prendra la forme d’ateliers d’accompagnement pour des groupes de 15 à 20 personnes. Elles construiront ensemble leur propre parcours en renouant du lien social. « Ce ne sont pas des actions de masse. Si sur ces 120 personnes, la moitié arrive à se réinsérer professionnellement pour moi ce sera une totale réussite » explique Annie Yague. Participation à un projet local solidaire, visites et explications des lieux institutionnels, rencontre avec des professionnels… mais également formation au numérique puisque que les ateliers se dérouleront au sein du Vill’âges. Ce projet, qui débutera en avril, a été construit, notamment pour la partie emploi/insertion professionnelle, avec Pôle Emploi.
Des collocations entre étudiants et séniors
« C’est un exemple de la chaîne de solidarité que l’on veut instaurer sur la ville de Montpellier. Chacun est responsable de sa vie, nous pouvons l’aider à l’accomplir mais il doit aussi s’accompagner et accompagner les autres dans cette chaîne de la solidarité » s’enthousiasme Annie Yague au sujet des collocation étudiantes proposées à partir de septembre 2018 dans trois (Michel-Belorgeot (Celleneuve), Françoise Gauffier (Ovalie) et Laroque (Millénaire)) des sept EHPAD de la ville.
Le CCAS proposera une colocation à loyer modéré contre trois heures de bénévolat par semaine à 14 étudiants. « Ils devront venir avec un vrai projet, une vraie envie d’accompagner les personnes âgées » explique Annie Yague. Les étudiants choisis le seront en fonction de leur situation pour que le dispositif soit aussi une aide pour eux. En plus de partager des moments de convivialité avec les résidents à travers les animations, ils pourront ainsi découvrir les différents métiers pratiqués dans ces établissements. « C’est une expérimentation qui sera élargie au fil des années et au fil de la rénovation des appartements dans les EHPAD ». De plus, les loyers seront réinjectés sur le budget des activités que pourront mener les étudiants avec les personnes âgées.
Les futurs appartements sont actuellement rénovés dans le cadre de chantiers éducatifs détaille Annie Yague : « Nous invitons des jeunes, qui sont sur un parcours d’insertion, à venir participer à la rénovation accompagnés par nos équipes techniques. Nous voulons que cela serve de formation pour ces jeunes. On leur explique pourquoi on le fait et à qui ces appartements seront destinés ».
Un deuxième centre d’accueil des femmes et enfants victimes de violences conjugales
La ville de Montpellier va renforcer sa politique de soutien aux victimes de violences conjugales menée depuis 38 ans en créant un deuxième centre Elisabeth Bouissonnade. Situé dans le quartier centre, « il sera dirigé vers l’accompagnement des enfants. L’objectif du projet est vraiment de stopper le cycle de la violence intrafamiliale par un soutien psychologique aux enfants et un appui aux mères dans la construction parentale » détaille Annie Yague.
Le centre Elisabeth Bouissonnade II comprendra notamment un pôle hébergement de 10 appartements, soit en Centre d’hébergement et de réinsertion sociale, soit en Service d’accueil mère-enfant, avec une capacité d’accueil de 30 places pour 60 femmes et enfants par an qui bénéficieront d’un accompagnent social, du soutien de puéricultrice… Un pôle parentalité pourra lui accueillir 30 femmes et 40 enfants pour développer des actions collectives et un suivi en consultation psychologique. Une attention toute particulière sera portée aux enfants pour les aider à reprendre le cours d’un processus d’individualisation en dehors des repères violents qui lui sont imposés dans sa famille.
« On met l’action sur l’enfant parce que malheureusement nous avons une récidive sur certains comportements et on constate une relation complètement faussée à la femme, à la mère, par rapport à cet environnement de violence. C’est une expertise que ce service a depuis 40 ans qui nous amène aussi à voir de plus en plus de très jeunes mère subir cette violence conjugale » explique M’hamed Belhandouz. Le centre Elisabeth Bouissonnade a reçu 600 femmes et enfants en accueil de jour.
Les EHPAD ouvertes aux personnes âgées des quartiers
« Les EHPAD s’ouvriront sur les quartier pour toutes les autres personnes âgées qui ont des difficultés à préparer leur repas, qui n’ont pas d’activités et qui vivent dans un isolement important » annonce Annie Yague. « Nous allons leur ouvrir les EHPAD où ils pourront partager un repas à très peu de frais, bénéficier d’une veille par tous nos travailleurs sociaux, participer aux animations et à toutes les sorties que nous organisons pour les résidents ».
Interrogé sur la création de nouveaux EHPAD, Philippe Saurel a indiqué : « Je ne dis pas que nous n’en ferons pas d’autres à l’avenir. Mais pour l’instant il faut faire une pause. Il faut voir aussi à quelles proportions nous sommes aidés pour faire cela ». Et d’appeler à la mise en place d’une grande politique publique sur le sujet : « Le problème du grand âge est un problème qui, pour moi, doit devenir une politique publique d’État. Sinon on va laisser la porte ouverte à des actions qui peuvent dégénérer comme des maisons retraites qui ne sont que des vaches à lait pour des propriétaires peu scrupuleux ».
Par ailleurs, la Maison de la démocratie, et les services qui s’y trouvent, sera transformée en Maison de la démocratie et de la solidarité. Une conférence locale des acteurs de la solidarité présidée par Annie Yague sera prochainement mise en place « pour assurer un suivi transversale sur toutes les politiques sociales qui obéissent aux compétences Ville et Métropole. C’est fondamental » a précisé Philippe Saurel.