Législatives. Arnaud Moynier : « Repenser le système de santé »

ÉLECTIONS. Arnaud Moynier, le maire de Beaulieu est candidat sur la 3ème circonscription de l’Hérault. Il analyse le problème récurrent des déserts médicaux dans les zones rurales isolées. Son constat : il faut repenser le système de santé. Il explique pourquoi.

« Dans les années 90, avec l’assentiment des syndicats médicaux, la CNAM ouvrait le dossier de la reconversion des médecins libéraux pour inciter le surplus de médecins estimé de 20’000 à 30’000 à s’orienter vers la médecine non prescriptive. C’est bien sous la pression de la maîtrise des dépenses de santé dont l’explosion était attribuée à la pléthore des médecins qu’ont été mis en place les départs en retraite anticipés et l’abaissement de moitié du numerus clausus entre autres. La pléthore médicale a ainsi laissé place aujourd’hui aux déserts médicaux qui va s’étirer jusqu’en 2025 voir 2040 d’après le ministère de la santé (DREES).

Pourtant au 1er janvier 2017, l’Ordre des médecins recensait 287’133 médecins inscrits et déclarait  que nous avions aujourd’hui plus de médecins qu’il n’y en a jamais eu. Le problème est que seuls 196’000 sont en activité régulière, que la population française a augmenté et que son vieillissement sont des facteurs de consommation accrue de soins. Plus de 22’000 médecins exerçant en France ont obtenu leur diplôme à l’étranger soit plus de 10% des médecins en activité et  entretiennent l’illusion que le nombre de médecins a augmenté même si cela a permis de pallier un moment le manque de médecins dans certaines régions. La France a accueilli en 2010 8416 médecins de l’UE et 6179 à diplôme étranger, et en 2017 respectivement 10’031 et 12’545″.

« De plus en plus de plaintes de patients »

« La plus grande partie exerce en fait dans le secteur salarié et hospitalier et ne répond donc pas au problème des zones rurales, régions ou de communautés de communes. Ils sont également relativement mobiles et se fixent plus difficilement dans un secteur géographique donné sans compter les problèmes de langue qui se posent concrètement. Les conseils de l’ordre reçoivent de plus en plus de plaintes de patients qui déplorent ne pas pouvoir comprendre ou se faire comprendre de leur médecin.

De 2010 à 2017 nous avons  diplômé 7500 médecins de moins du fait du numerus clausus, dont 6000 généralistes de moins. La région Languedoc-Roussillon fait partie de celles qui sont en déficit de médecins généralistes, maillons essentiels de la continuité des soins de proximité. Si nos concitoyens sont contraints de quitter leur village, leur ville, eux-mêmes désertés par les services publiques et les commerces comment peut-on penser attirer des médecins et des paramédicaux ? ».

« Une fausse solution »

« La suppression ou l’augmentation massive du numerus clausus au programme du président Emmanuel Macron est une fausse solution dont les effets ne pourraient se faire sentir que dans 10 ans au moins. D’autre part il faudrait que l’on soit en capacité de former autant de médecins et qu’à la sortie les flux soient orientés vers les zones déficitaires. Il ne faut donc pas s’arrêter sur cette seule suppression mais voir plus stratégiquement. Nous devons donner les moyens à nos Facultés de former nos futurs médecins et penser à rendre attractifs les bassins de vie délaissés en agissant économiquement. Or de 2010 à 2017 les fractures se sont agrandies, plus de bassins de vie sont en voie de désertification en dehors de quelques zones restées attractives pour les professionnels de santé. Le phénomène de concentration accélère la désertification médicale, encouragé paradoxalement par la multiplication des maisons de santé. En effet la centralisation et la mutualisation des soins dans ces structures  absorbent les médecins et paramédicaux, aggravant ainsi leur désintéressement pour des zones peu attrayantes ».

« Offrir une alternative »

« Pour offrir une autre alternative à ce phénomène mal maîtrisé il faut écouter et aider les initiatives innovantes qui peuvent répondre aux besoins de la population, telle que la mutualisation des moyens informatiques, la télé-médecine qui permettraient aux médecins de rester au plus proche de leurs patients plutôt que d’abandonner leur village pour rejoindre des structures type maison de santé. Depuis sept ans, le nombre de cantons sans médecin généraliste a presque doublé, ce n’est pas tant que l’on a moins de médecins que le fait qu’ils sont mal répartis soit par choix soit par obligation.

Dicté par le seul souci de la productivité et du gain, l’ambulatoire est devenu le fer de lance économique chéri des hôpitaux privés et publics sous couvert d’amélioration du confort du patient. Favorisé par les progrès techniques indéniables en chirurgie, force est de constater qu’il crée des effets sans doute non prévus à l’origine mais sur lesquels l’institution ferme les yeux car non seulement il permet une économie à court terme, mais il fait aussi gagner de l’argent rapidement. Les investissements en personnel pour faire marcher le système ne sont cependant pas au rendez-vous et le premier à en pâtir est le patient qui devient en fait un simple générateur de profits. Il entre, il est traité, il sort. Le personnel n’est plus en mesure de s’occuper de son patient, de l’informer, de gérer la « masse » ».

« Le personnel souffre »

« Le personnel souffre avec un risque pour la sécurité des patients. Les patients se retrouvent trop souvent livrés à eux-mêmes et en difficultés lorsqu’ils sont renvoyés dans leur désert médical… Nous sommes là dans un paradoxe qui ne pourra qu’apporter à moyen terme des surcoûts que la sécurité sociale devra absorber sous une autre forme.

Repenser la formation de tous les professionnels de santé pour répondre aux exigences de qualité et de sécurité des soins adaptées aux territoires est une nécessité stratégique qui ne peut se faire sans l’implication des universités qui ont également un rôle à jouer au sein des groupements hospitaliers territoriaux, et notre région est particulièrement bien dotée avec l’université de Montpellier, seconde au classement national.

Nous devons repenser un système de santé qui fonctionne autour des malades, de leurs familles, des professionnels de santé et des élus locaux et qui ne soit pas le fruit d’une construction imaginée par les fédérations hospitalières, les mutuelles, la CNAM et un gouvernement dirigés par le seul moteur de faire des économies comptables au détriment de notre santé, co responsables de la détérioration de notre système de soins ».

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