Projet : la LGV Montpellier-Perpignan déraille

Le projet de la Ligne à grande vitesse -LGV- Montpellier-Perpignan, pour achever le maillon vers Barcelone, en Catalogne aboutira t-il un jour ? Il a, incontestablement du plomb dans l’aile. On peut même dire que la LGV Montpellier-Perpignan déraille…

Ce jeudi, l’ex-député PS Philippe Duron, président du Conseil d’orientation des infrastructures -COI- a remis son rapport à la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Si la ligne  Bordeaux-Toulouse reste prioritaire, mais reportée dans le temps, la LGV Montpellier-Perpignan est repoussée, à cause d’un coût démesuré. Repoussé à quand ? Mystère. Il est question de revoir ce projet en 2023, voire en 2028…

Il est question de la construction d’une ligne Montpellier-Béziers pour compenser, sans donner de date butoir, non plus. De plus, cette portion pourrait même être soumise à arbitrage, c’est dire si le projet est mal engagé. Quant à la LGV Bordeaux-Toulouse, elle reste dans la liste des projets, mais « décalé de quelques années. », sans en dire plus sur le délai du report.

Réseau ferroviaire de l’arc méditerranée

La LNMP -Ligne Nouvelle Montpellier Perpignan- ou LGV -Ligne à grande vitesse- est l’un des maillons essentiels pour la réalisation du réseau ferroviaire de l’arc méditerranéen, reliant Barcelone, en Espagne à Gênes, en Italie, en passant par Marseille, Nice et donc Montpellier.

Constituantes du projet prioritaire n°3 des RTE-T, les lignes à grande vitesse de l’ex-région Languedoc-Roussillon, à savoir Montpellier-Perpignan, le contournement Nîmes-Montpellier et le tronçon Perpignan-Figueras, devraient une étape importante dans la réalisation du réseau ferroviaire à grande vitesse du Sud-Ouest de l’Europe. En effet, la LGV Paris-Lyon-Montpellier-Barcelone-Madrid, également appelé LGV « Sud Europe Méditerranée », doit permettre de relier les réseaux ferroviaires à grande vitesse de la France et de l’Espagne.

Étapes remises en cause

Les étapes du projet avaient été définies ces dernières années  :  à la fin des années 80, les études de la ligne nouvelle à grande vitesse au-delà de Lyon vers la Méditerranée et l’Espagne ont été engagées. En 1995, les études d’Avant Projet d’une LGV Languedoc Roussillon entre Saint-Brès et la frontière espagnole ont été validées.

En 2000, la LGV Languedoc Roussillon entre Montpellier et Perpignan a été déclarée Projet d’Intérêt Général (PIG). Le 16 mai 2005, le projet de ligne nouvelle mixte voyageurs et de fret du Contournement de Nîmes et Montpellier a été déclaré d’utilité publique par décret. Rien pour la section Montpellier Perpignan.

En 2006, le Ministère des Transports a demandé à RFF -Réseau Ferré de France- d’engager les études de la Ligne Nouvelle Montpellier Perpignan (LNMP). De mars à juin 2009, le débat public concernant le projet LNMP a permis d’aboutir le 25 août 2009 à la remise du Bilan du débat public Ligne nouvelle Montpellier-Perpignan 3 mars 2009 – 3 juillet 2009 établi par le président de la Commission nationale du débat public.

Le 14 novembre 2011 la Ministre en charge de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement a validé la première étape des études qui définit une zone de passage de 1000 mètres.

Le gel des sénateurs

Coup de théâtre en octobre dernier, avec l’annonce du gel du projet de la LGV Montpellier-Perpignan : un rapport sénatorial estimait, en effet que la réalisation de ce tronçon, à l’instar d’autres lignes du territoire national, devrait être différé en raison de son coût exorbitant, notamment à cause de nombreux ouvrages d’art à implanter sur le long tracé, traversant l’Hérault, l’Aude et les Pyrénées-Orientales. Avec des frondes annoncées dans des communes, notamment dans l’Hérault.

L’Etat devrait en effet « geler pendant une quinzaine d’années le financement des nouveaux projets de lignes à grande vitesse » (LGV) pour « donner la priorité à la modernisation des réseaux existants« , a écrit en octobre dernier un groupe de travail sénatorial, dans un rapport qui préfigurait déjà celui de Philippe Duron, pondu hier.

Dans le rapport des sénateurs, les projets de LGV cités sont ceux reliant Bordeaux à Toulouse et Dax, puis Poitiers à Limoges et enfin Montpellier à Perpignan. Les trois apparaissent comme des « investissements excessifs » au regard des élus qui jugent que leur construction « mérite d’être différée, à tout le moins pendant une quinzaine d’années« .  Le groupe de travail avait réuni huit sénateurs de droite et de gauche, missionnés par la commission des finances du Sénat. Il a planché huit mois sur le sujet.

Arbitrage fin février

Selon ces sénateurs, ce gel devrait être mis à profit pour « investir massivement » dans le renouvellement du réseau ferroviaire, les auteurs estimant « indispensable de dégager 1 à 2 milliards supplémentaires » chaque année. L’Etat et la SNCF y consacrent actuellement 2,5 milliards par an et le gouvernement s’est engagé à porter progressivement ce montant à 3 milliards d’ici 2020.

Dans leur rapport d’octobre dernier, les sénateurs préconisent en outre une « reprise, même partielle de la dette de SNCF Réseau » par l’Etat « ou son cantonnement dans une structure dédiée », afin de « redonner des marges de manoeuvre » à l’entreprise publique, dont le « fardeau » dépasse 44 milliards d’euros.

La remise en question de cette liaison LGV Montpellier-Perpignan tombe mal, à l’heure où doit être inaugurée bientôt la seconde gare TGV-LGV Sud de France sur le site de la Mogère, en limite des communes de Montpellier et de Lattes.

L’arbitrage final qui sera rendu à la fin du mois par la ministre des Transports sur ce rapport Duron est particulièrement attendu.

Quatre réactions

Voici quatre réactions après la remise du rapport de Philippe Duron, hier, à la ministre des Transports :

Carole Delga, présidente PS de la Région Occitanie -Pyrénées-Méditerranée- a réagi dès hier soir : « Je suis convaincue que le pack formé avec les grands élus de la région a payé. Les infrastructures que nous demandons figurent toujours dans ce rapport. En Occitanie, les experts préconisent une ligne à grande vitesse prioritaire entre Toulouse et Bordeaux, mais d’abord en rénovant les noeuds ferroviaires des deux capitales régionales. La construction de la ligne serait étalée dans le temps d’ici 2037 jusqu’à Agen, après 2038 entre Agen et Bordeaux ».

La présidente de région Occitanie refuse d’y voir un enterrement du projet : « Dire que Bordeaux doit se faire avant 2028 [comme le préconise l’un des scénarios] c’est un calendrier qui est réaliste. Donc là nous allons au niveau du Président de la République lui démontrer que nous pouvons réaliser avant 2030 et Bordeaux-Toulouse, et également Montpellier-Perpignan, avec des financements qui sont compatibles avec la situation budgétaire de l’Etat. Il est nécessaire d’avoir un suivi des phasages. Un projet qui doit rester lié avec plusieurs phases. Les deux projets de LGV sont réalisables grâce au plan de financement que l’on propose. Il y a la saturation routière et ferroviaire dans cette partie de la région. Nous sommes la région de France la plus dynamique en terme de progression démographique et de création d’emplois. Nous sommes également la région la plous enclavée. Nous avons donc besoin d’une ligne Montpellier-Perpignan, avec une mise en enquête publique dès l’année prochaine sur le tronçon Montpellier-Béziers ».

>> Virgine Rozière, conseillère régionale d’Occitanie -Pyrénées-Méditerranée-, élue européenne, co-présidente des Radicaux de gauche :

« Philippe Duron, président du Conseil d’orientation des infrastructures a remis au gouvernement son rapport sur les grandes infrastructures à réaliser dans les dix ans en France : la ligne TGV Bordeaux-Toulouse est maintenue contrairement à la ligne à grande vitesse Montpellier- Perpignan. Ce rapport servira de base à la future loi de programmation Mobilités, mais il est déjà fortement critiqué par les élus locaux qui font remarquer que prioriser l’axe à grande vitesse Bordeaux – Toulouse sans toutefois annoncer de calendrier pour Montpellier -Perpignan, revient à faire voler en éclats le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest dans un premier temps et les espoirs de corridors européens sur le long terme. Je regrette une décision « hypocrite » et incohérente ». Ce grand projet ferroviaire du Sud-Ouest a été pensé comme un ensemble logique et indivisible. Le but étant désenclaver le territoire d’une région en pleine reconfiguration. Riche de ses 6 millions d’habitants, cette dernière était la seule à rester à l’écart des lignes à grandes vitesse. Plus important encore, ce projet permettait de placer l’Occitanie au cœur de l’Europe. Aujourd’hui, le seul maintien de la ligne Bordeaux-Toulouse disqualifierait définitivement Montpellier laquelle se retrouverait inexorablement défavorisée par rapport aux autres villes. Nous nous dirigeons donc vers une situation dans laquelle Toulouse pourra bénéficier d’une passerelle qui la rapprochera de Paris alors que la capitale du Languedoc – Roussillon serait totalement marginalisée ».

  >> Kléber Mesquida, président PS du conseil départemental de l’Hérault : 

« Le Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI) a confirmé jeudi dans le rapport remis à la ministre des Transports, Elisabeth Borne la nécessité de la ligne Montpellier-Béziers- Perpignan », relève Kléber Mesquida qui avait annoncé en début d’année, « l’engagement du Département de l’Hérault aux côtés de la Région Occitanie -Pyrénées-Méditerranée- pour financer les études de la ligne LGV. Je constate que la mobilisation autour de la présidente de la Région, Carole Delga a été entendue. Il appartient maintenant au Gouvernement et aux parlementaires issus de sa majorité de faire les choix qui s’imposent pour réaliser le chaînon manquant de la ligne grande vitesse entre la France et l’Espagne. Après la réalisation du contournement ferroviaire de Nîmes-Montpellier et la construction de la nouvelle gare de la Mogère, il serait incompréhensible de ne pas engager la ligne nouvelle Montpellier-Béziers-Perpignan. Je souscrit à la démarche de Carole Delga d’être reçus en délégation par le Président de la République, avant la présentation au Parlement de la future loi d’orientation des mobilités en France ».

 >> Philippe Saurel, maire de Montpellier, président de Montpellier Méditerranée Métropole (3M) :

Philippe Saurel a fait adopter jeudi soir, à l’occasion du conseil municipal, un vœu en faveur de la réalisation de la LGV Montpellier-Perpignan-Barcelone, suite aux conclusions du rapport Duron rendues publiques quelques heures plus tôt, hier.
« Ce vœu voté à l’unanimité par l’assemblée va être adressé au Président de la République, à la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, chargée des Transports, à la présidente de la Région Occitanie -Pyrénées-Méditerranée-, ainsi qu’au président de la Commision Européenne », confirme Philippe Saurel.

Voici le vœu en faveur de la réalisation de la LGV Montpellier-Perpignan-Barcelone adopté par le Conseil municipal de Montpellier, hier soir :
« À la suite de la présentation aujourd’hui des conclusions du rapport Duron sur les infrastructures de transports, nous accueillons avec satisfaction le fait que la réalisation du segment ferroviaire Montpellier-Béziers ait été considérée comme prioritaire. Ce segment est en effet une priorité pour la réalisation de la ligne LGV Montpellier-Perpignan-Barcelone. Nous tenons à insister à nouveau sur l’importance de cette ligne voyageurs et fret qui est indispensable pour le segment transfrontalier entre la France et l’Espagne mais aussi pour désengorger le Sud de la France. L’Europe l’appelle de ses vœux.

Nous réaffirmons notre volonté de voir ce projet sortir de terre avec une déclaration d’utilité publique (DUP) courant 2019. Une première tranche de travaux en 2023, comme indiqué dans le rapport Duron, serait la bienvenue. Cette ligne libérerait des sillons pour les trains quotidiens et régionaux. Tout cela va également dans le sens de la réduction de l’impact carbone.

Nous attendons désormais avec impatience le rapport Spinetta ainsi que les décisions du gouvernement ».

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